Loi anti-squat
C’est l’aboutissement d’un texte polémique, centré sur la protection des intérêts des propriétaires dont le logement est occupé de façon illicite. Ils pourront désormais se prévaloir de la loi « anti-squat », publiée au cœur de l’été et qui instaure deux nouveaux délits dans son article 1.
Figurant dans un chapitre spécifique du code pénal, ils ciblent, pour l’un les squatteurs, pour l’autre, les locataires sous le coup d’un jugement d’expulsion.
Le texte : Art. 1 de la loi n° 2023-668 du 27.7.23
Tous les biens sont concernés
Les propriétaires aux prises avec des squatteurs sont désormais protégés par un délit d’occupation frauduleuse (1). Celui-ci est constitué lorsqu’un ou plusieurs individus s’introduisent dans un local à usage d’habitation (meublé ou non), commercial, agricole ou professionnel, à l’aide de manœuvres (avec une clé volée, par exemple), menaces (gestuelles ou verbales), voies de fait (en forçant une serrure…) ou contraintes (chantage…). Ce délit est puni de 2 ans de prison et 30 000 € d’amende.
Jusqu’à présent, le propriétaire ne pouvait poursuivre les squatteurs qu’en cas de violation de domicile. C’est toujours possible, avec une nuance : la notion de domicile a été élargie par la loi, qui le définit comme « tout local d’habitation contenant des biens meubles (…) appartenant [à une personne], que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non » (2). La sanction de la violation de domicile vient en outre d’être triplée, puisque les peines passent de 1 à 3 ans d’emprisonnement et de 15 000 à 45 000 € d’amende (3).
À savoir
Une mesure choc qu’il faut relativiser, du fait de l’insolvabilité récurrente des squatteurs. Le nouveau délit d’occupation frauduleuse est moins sévèrement sanctionné, mais il a le mérite de viser les squats de locaux d’habitation non meublés (logements vacants entre 2 locations ou après l’achèvement d’une construction, par exemple), de bureaux et autres locaux professionnels. « Il est compréhensible de traiter plus sévèrement une atteinte à la résidence principale ou secondaire, à savoir les lieux de vie du propriétaire. Il s’agit là de respecter un droit attaché à la personne et non de sanctionner une simple atteinte à ses biens », analyse Pierre de Plater, avocat parisien. Les deux délits ne risquent-ils pas de se chevaucher ? « La pratique judiciaire nous le dira, mais cette nouvelle incrimination pourrait également servir d’alternative en cas d’impossibilité de prouver la violation de domicile devant le tribunal », avance l’avocat.
La procédure expresse est revue
Pour obtenir l’expulsion manu militari de squatteurs qui se sont introduits et installés par effraction ou manœuvres diverses, il faut s’adresser au préfet. Une procédure administrative expresse permet au propriétaire de récupérer rapidement son logement. Elle concerne désormais tout local à usage d’habitation, qu’il s’agisse ou non de la résidence principale de la victime (4). Le préfet sollicité dispose de 48 heures pour mettre les squatteurs en demeure de libérer les lieux. Sa sentence doit alors être exécutée dans les 24 heures s’il s’agit du domicile, 7 jours pour tout autre local à usage d’habitation. Si le propriétaire ne peut apporter la preuve de son titre, du fait de l’impossibilité d’accéder à son bien squatté, il revient au préfet d’interroger le fisc à ce sujet dans les 72 heures (5).
Les bailleurs n’ont pas été oubliés
Lorsqu’un locataire en situation d’impayés de loyers se maintient dans un logement malgré un jugement d’expulsion devenu définitif (c’est-à-dire après épuisement de toutes les voies de recours), le propriétaire bailleur peut désormais, lui aussi, faire valoir le délit d’occupation frauduleuse (6). Celui-ci est caractérisé dès lors que l’ex locataire, ayant reçu un commandement de quitter les lieux, s’y maintient au-delà d’un délai de 2 mois. Il encourt une amende de 7 500 €. Mais cette nouvelle infraction se heurte à une limite inhérente à la protection du droit au logement : l’ex-locataire, devenu occupant sans droit ni titre, bénéficie de la trêve hivernale (7) (du 1er novembre au 31 mars). Cette période, durant laquelle aucune expulsion ne peut se produire, retarde d’autant l’effectivité de son départ des lieux et peut compliquer l’application de l’amende. Par ailleurs, le jugement d’expulsion intervient généralement après que l’occupant a obtenu du juge des délais de grâce. Mais sur ce point, la loi est plus sévère, puisqu’ils sont réduits à 1 an, contre 3 ans auparavant (8), et sont désormais réservés aux locataires de bonne foi (9).
Références